Rencontre avec Philippe CROCHET

J’ai tout de suite été passionné par la photo lorsque à l’âge de 12 ans environ, mon père m’a donné son appareil. Quand, à 16 ans, j’ai découvert la spéléologie, ce fut une évidence de me spécialiser dans la photographie souterraine afin de partager cette nouvelle passion. C’était à cette époque le moyen de justifier la pratique de cette activité en montrant les beautés vues lors des explorations. A 18 ans, je me suis pleinement engagé dans le créneau de la photographie souterraine en créant un club composé d’amis entièrement dévoués à cette cause. La constitution d’une équipe dédiée à la photo est en effet essentielle car sous terre, le photographe a besoin de l’aide de ses coéquipiers, que ce soit pour poser ou tenir les flashs.

Le fait d’être au contact intime de la roche et des eaux souterraines, avec toutes les questions que cela pouvait soulever, a suscité en moi une vocation d’hydrogéologue. J’ai étudié cette discipline à l’université de Montpellier d’où je suis sorti en 1983 avec un diplôme de docteur ingénieur. J’ai été ensuite embauché par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières, puis j’ai poursuivi ce métier au sein du bureau d’études ANTEA. Je suis maintenant retraité depuis le début de l’année 2018.

A la fin de mes études, j’ai élargi les thèmes de mes photos à d’autres sports de nature (montagne, randonnée, canyonisme), et surtout aux paysages minéraux, notamment les déserts et les volcans. C’est aussi l’époque à laquelle j’ai rencontré mon épouse, Annie GUIRAUD. Depuis le début, elle a pris part à toutes les séances photo, qu’elles se déroulent sous terre ou bien au milieu de quelque désert lointain. C’est elle la minuscule silhouette, toujours habillée en rouge pour mieux se détacher, pendue au bout d’une corde dans un puits ou perchée sur un pic, élément humain donnant l’échelle dans le paysage. Elle participe également à la prise de vue (mise en place des éclairages). Nous travaillons ensemble à la création de montages audiovisuels dont elle écrit les textes et à la rédaction d’articles pour des magazines.

Cette pratique intensive m’a permis au fil des ans d’acquérir une solide maîtrise technique et de développer un style personnel. Spécialiste reconnu au niveau international de la photographie souterraine, cela me permet d’être invité à participer à des expéditions (Cuba, Laos, Brésil) ou à encadrer des stages de formation en France et à l’étranger (Iran, Suisse, Belgique). Depuis une dizaine années, mon épouse et moi nous consacrons plus particulièrement à l’exploration des plus belles cavités de la planète, pour en ramener des reportages photographiques (Hawaï, Bornéo, Porto Rico, Islande, Autriche, Turquie, République Tchèque, Slovénie, Roumanie, Japon, Nouvelle Zélande, …). En 2016, nous avons vécu deux expériences exceptionnelles en Iran (reportage sur les grottes de sel) et au Brésil (collaboration au sein d’une équipe internationale pour illustrer un livre sur les plus belles cavités du pays).

Les photographies de Philippe Crochet illustrent depuis 1983 de nombreux livres, magazines ou calendriers. Au total, c’est environ 1000 clichés différents qui ont ainsi été publiés. Il est l’auteur de deux ouvrages de photographies (« L’Ouest américain – Terre mythique », paru en 2014, et « Clamouse, merveille naturelle des gorges de l’Hérault. Regard d’un photographe », paru en 2018). Il écrit régulièrement des articles dans différentes revues. Philippe Crochet a également réalisé avec son épouse une vingtaine de montages audiovisuels sur les grottes, les déserts et les volcans. Son travail a été récompensé par de nombreux prix lors des Congrès Internationaux de Spéléologie, qui ont lieu tous les quatre ans, aux USA (2009), en République Tchèque (2013) et en Australie (2017).

L’absence de lumière qui caractérise le milieu souterrain est un avantage car elle laisse toute liberté pour éclairer la scène. Je peux ainsi façonner l’espace qui l’entoure, lui imposer ses limites et déterminer son apparence. Il s’agit d’une véritable création, qui, tout comme l’écriture, transforme le réel en un message porteur de sens, capable de parler au spectateur. Les conditions sont analogues à celles du studio, à la différence qu’il faut amener son matériel d’éclairage et composer avec les contraintes du milieu. Les appareils photos possèdent des automatismes de plus en plus performants qui sont largement utilisés par tous. Toutefois, un calcul « manuel » de l’exposition est préférable. En effet, sous terre, les programmes d’exposition automatique sont souvent perturbés par l’importance des zones sombres. En revanche, le numérique permet de visualiser immédiatement le résultat d’un cliché, l’analyser sur place et apporter aussitôt les corrections nécessaires. Je travaille principalement avec des flashs électroniques déportés. Il est possible de jouer sur leur puissance et leur angle d’éclairage en fonction du résultat souhaité. Les déclenchements des flashs sont synchronisés par des cellules radio actionnées depuis l’appareil. La mise en place des éclairages constitue une phase essentielle qui conditionne le rendu de la photo. Les flashs sont soit tenus par des équipiers, soit fixés sur des pieds ou simplement posés sur des rochers ou des emplacements naturels propices. Le contre-jour (flash caché derrière le sujet et dirigé vers l’appareil) est souvent privilégié car il révèle la brillance des parois, accentue la transparence des matières ainsi que les contours du sujet. Les autres sources lumineuses peuvent être placées frontalement ou plus ou moins latéralement par rapport au sujet selon le rendu souhaité. Pour les concrétions, un seul flash peut suffire, placé en contre-jour ou latéralement afin de les faire ressortir sur fond noir. Un « snoot » ( simple tube enfilé dans le canon du flash), permet de concentrer précisément la lumière sur le sujet. L’acquisition d’une bonne compétence technique, l’utilisation d’un matériel adéquat sont des pré-requis indispensables. Mais ce ne sont pas les seules contraintes : il est nécessaire de constituer une équipe patiente et motivée. Le photographe a en effet besoin de coéquipiers prêts à transporter du matériel, jouer les modèles ou tenir des flashs dans des conditions parfois inconfortables. Le temps consacré aux séances photo, parfois très longues au sein d’une démarche artistique, suppose l’organisation d’explorations dédiées, dont l’objectif unique est de ramener des clichés de qualité.

Suivez-le sur son site internet : www.philippe-crochet.com

Je vous propose une série sur le monde souterrain

Le monde souterrain recèle des beautés qui méritent d’être immortalisées et partagées par l’intermédiaire de la photographie. Émerveiller le spectateur, transmettre une émotion ressentie, et éventuellement susciter de nouvelles vocations, tel est mon objectif. Pour cela, je présente une série de clichés de cavités d’exception à travers le monde. Ils ont été pris au cours de différentes expéditions axées sur le photo, avec l’appui de spéléologues locaux.

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